La plus haute juridiction d’Australie a décidé mercredi qu’une personne pouvait être reconnue par l’état civil comme de «genre neutre», et non pas seulement de genre féminin ou masculin, faisant de ce pays un des rares à reconnaître un troisième sexe. La Haute Cour «reconnaît qu’une personne peut être ni de sexe masculin ni de sexe féminin, et autorise donc l’enregistrement d’une personne comme étant d’un genre "non spécifique"», selon un avis unanime de ses juges.
Ils ont ainsi rejeté un appel déposé par l’Etat de Nouvelle-Galles-du-Sud qui réclamait que seuls soient reconnus les genres féminin et masculin.
Cette décision intervient à la suite d’une bataille judiciaire menée par Norrie, qui ne s’identifie pas comme un homme ou une femme et qui réclamait la création d’une catégorie supplémentaire pour «genre neutre». Norrie, qui n’utilise qu’un seul nom, est né de genre masculin et a subi une intervention chirurgicale pour changer de sexe en 1989. Mais l’opération a échoué à mettre un terme à l’ambiguïté qu’elle éprouve sur son identité sexuelle.
En 2010, le registre d’état civil de Nouvelle-Galles-du-Sud (l’Etat de Sydney) avait accepté de l’enregistrer sous la catégorie «genre non spécifique». Mais peu après, le registre était revenu sur sa décision et avait déclaré invalide le certificat. Norrie avait alors déclaré avoir le sentiment d’être «assassiné socialement».
Fin d'une vision «passéiste»
Plusieurs recours avaient été déposés en justice, par les deux parties, jusqu’à la décision finale, ce mercredi, de la plus Haute Cour du pays. «Je suis euphorique», a déclaré le militant. «Les gens vont peut-être comprendre qu’il n’y a pas que deux options. Vous pouvez être une femme ou un homme mais certains de vos proches ne le sont pas forcément.»
Pour l'associations du Centre des lois sur les droits de l’homme, la Haute Cour «a rejeté les notions passéistes sur le genre». «Les personnes qui sont de sexe ou de genre autre que masculin ou féminin rencontrent des problèmes chaque jour pour avoir accès à des services facilement disponibles pour toutes les autres», déclare Anna Brown, experte juridique de l’association. «Il est essentiel que notre système législatif reflète et prenne en compte la réalité de la diversité des genres et des sexes dans notre société. Et la Haute Cour a accompli un grand pas aujourd’hui dans cette direction», a-t-elle ajouté.
Une personne ne pourra être reconnue par la loi et l’état civil comme de genre neutre qu’en soumettant un dossier médical. Les conséquences de cette décision sur les unions matrimoniales restent à éclaircir. L’Australie ne reconnaît le mariage qu’entre un homme et une femme.
Homme, femme ou «X»
Pour Samuel Rutherford, directeur du groupe militant australien Gender Agenda, «avoir la plus haute cour du pays qui dit que la loi reconnaît la réalité de notre existence n’est pas seulement important d’un point de vue pratique. Ca dégage le chemin vers l’égalité et contre la discrimination».
Le pays avait déjà, en juin dernier, instauré une nouvelle nomenclature concernant la reconnaissance des sexes sur les documents officiels, offrant le choix entre homme, femme ou trans-genre.
L’Allemagne et le Népal autorisent leurs ressortissants à inscrire un X dans la case «sexe» du passeport. En novembre dernier, l’Allemagne a effectué un pas supplémentaire en autorisant les bébés nés sans être clairement identifiés comme garçon ou fille à être enregistrés sans indication de sexe, une première en Europe.
Cette mesure est destinée à atténuer la pression qui pèse sur les parents, poussés à décider en urgence d’opérations chirurgicales controversées, pour attribuer un sexe à un nouveau-né. Les parents sont désormais autorisés à laisser vierge la case afférente sur les certificats de naissance, créant ainsi une catégorie indéterminée dans les registres d’état-civil.